Du récit de la marche sur la mer, on peut retenir des éléments qui concernent les différents personnages cités dans le texte.
La foule. Alors que, précédemment, les apôtres souhaitaient la renvoyer, cette fois c’est Jésus lui-même qui se charge de la congédier, mais c’est une foule qu’il a nourrie par sa parole et par son pain.
Les apôtres. Ils sont sommés par Jésus d’aller sur l’autre rive, vers Bethsaïde, ville frontière entre Israël et les territoires païens. Ils doivent même l’y précéder, seule fois dans l’évangile selon Marc car ailleurs c’est toujours Jésus qui précède les disciples le trajet en barque se révèle difficile et n’aboutira pas. Les Douze seront « extrêmement bouleversés » par l’apparition de Jésus marchant sur les eaux, mais cette réaction est mise en lien avec leur incompréhension face au miracle des pains. L’évangéliste précise que « leur cœur était endurci », une expression utilisée dans l’Ecriture pour évoquer ceux qui se détournent de Dieu ou qui, dans l’évangile, s’opposent à Jésus.
Jésus est montré comme le maître des évènements c’est lui qui a de bout en bout l’initiative. De plus, l’auteur évangélique témoigne une nouvelle fois du besoin de Jésus de se retirer pour prier
Le Dieu tout-puissant qui se manifeste en la personne de Jésus marchant sur la mer ne peut être séparé de Dieu compatissant qui a pris soin de son peuple.
MISE EN QUESTION DE LA TRADITION : LE PUR ET L’IMPUR
Ces versets concernent les règles de pureté rituelle juive telles qu’elle était régie à l’époque de Jésus. Le texte comporte trois parties :
La première est une controverse initiée par « les pharisiens et quelques scribes » qui contestent le comportement des disciples de Jésus : à leurs yeux, ils ne respectent pas les ablutions avant le repas. Selon l’évangéliste, Jésus rappelle une prophétie d’Isaïe sur le culte formaliste et démontre à ses détracteurs combien ils ont détourné « le COMMANDEMENT DE DIEU » « ANNULE LA PAROLE DE DIEU » en lui préférant des usages proprement humains.
La deuxième partie est un bref enseignement aux foules au sujet du pur et de l’impur : ce qui rend l’homme impur, c’est ce qui vient de l’homme.
La troisième partie, est un enseignement réservé aux seuls disciples. L’évangéliste souligne d’emblée leur incompréhension face à laquelle Jésus doit expliquer, de manière plus développée, le propos qu’il a tenu à la foule.
RECIT DE LA SYRO-PHENICIENNE
Ce récit présente trois traits intéressants :
La scène se déroule en territoire païen (V.24), où Jésus va faire un séjour prolongé. Il voulait son arrivée discrète mais ce ne fut pas le cas
La réponse que Jésus fait à la femme qui ose aborder un rabbi juif et lui demande la guérison de sa fille (v.25 – 26) peut sembler scandaleuse puisque la femme est comparée à un petit chien (v.27)
Deux éléments peuvent aider à comprendre ce propos : D’abord, Jésus ose fréquenter des païens ce qui est déjà une grande fissure dans la barrière stricte qui séparait Juifs et Païens … mais il ne gomme pas pour autant toutes les différences ; ensuite, il faut prendre en compte le fait que Jésus a pris seulement peu à peu conscience de sa mission universelle. Elle lui avait sans doute parue, au départ, réservée au peuple d’Israël dont il est membre (cf. Mt 15, 24). Enfin la femme ne se révolte pas et ne se laisse abattre par la réponse de Jésus. Avec audace et persévérance elle montre à Jésus que les étrangers savent recueillir – même si ce sont des miettes – de la nourriture par lui offerte au peuple élu (v.28). C’est cette parole qui conduit Jésus à changer de perspective et l’amène à accorder à la femme la guérison qu’elle était venue demander, signe que le Royaume de Dieu est là aussi pour les païens (v.30).
Par ce récit l’Evangéliste ouvre la voie à l’abolition des barrières entre le monde juif et le monde païen qui sera proclamée avec force dans la lettre aux Ephésiens (cf. Ep 2, 13 – 14).
LA QUESTION DES SIGNES ET DE LEUR INTERPRETATION (8, 11 – 21)
Le premier épisode (V.11- 13) a tout d’une controverse entre les pharisiens et Jésus. Les pharisiens tentent Jésus comme les Israélites ont tenté Dieu durant la traversée du désert (cf. Ex 16,1 – 36 ; nb 14, 1 – 38). A leur demande d’un signe (v.11).
Jésus oppose un refus clair et net (v.13) car leur comportement est signe de leur incrédulité.
Le second épisode (v. 14-21) est un dialogue didactique entre les disciples et Jésus. Celui-ci fustige leur incompréhension face aux évènements dont ils sont témoins. Les disciples, très terre à terre, ne demeurent préoccupés que par leur manque de pain (V. 14,16).
Jésus leur recommande de se garder du « LEVAIN DES PHARISIENS « et de celui « D’HERODE » (V.15)
Le levain était considéré comme source d’impureté et de corruption (cf. 1 Co 5,6-7 ) ; Ga 5,9) et, pour certains rabbins, il désignait les mauvaises tendances de l’homme, les dispositions corrompues des cœurs. Il s’agit donc pour les disciples de ne pas interpréter les signes à la manière d’Hérode (cf 6, 14 – 16) et des pharisiens (cf. 8,11 – 13). S’inquiéter pour la nourriture, comme le font les disciples, c’est manquer de confiance ; c’est compter uniquement sur les ressources matérielles pour vivre ; c’est oublier que Jésus ne délaisse jamais les siens pour ce qui leur est essentiel.
Les mots employés par Jésus selon l’évangéliste, rappellent la plainte de Dieu envers son peuple « au cœur endurci » (cf. jr 5,21). L’invitation à se souvenir (v.18) est lancée pour aider les disciples à donner sens à ce qu’ils viennent de vivre.
Dans les deux épisodes, on constate que le rédacteur de l’évangile selon Marc, s’est focalisé sur le thème des disciples aveugles et sourds à la profondeur de la Parole et de l’Action de Jésus. Comme les pharisiens et les scribes, les disciples font preuve d’aveuglement et de surdité face au message de salut universel de Jésus.
RECIT DE LA GUERISON D’UN HOMME AVEUGLE à BETHSAÏDE (8,22-26)
Le récit de la guérison d’un homme aveugle à Bethsaïde – propre à l’évangile selon Marc – est le dernier épisode du séjour de Jésus en terre païenne.
La guérison de cet homme présente un caractère singulier puisque, cas unique dans les évangiles, elle se réalise en deux temps. En effet, au premier contact avec Jésus, l’homme aveugle ouvre bien les yeux, mais son regard reste flou (v. 24). Jésus recommence donc son geste, cette fois-ci avec succès (v. 25). Puis selon l’évangéliste, Jésus invite l’aveugle à ne pas passer par le village (v.26). là où la foule ne cherche qu’à voir un guérisseur puissant et efficace, mais demeure aveugle à la véritable révélation.
La signification symbolique de ce récit semble s’imposer. Dans la traversée qu’il vient de faire avec ses disciples, Jésus les a proprement traités d’aveugles (8, 17 – 18) tant leur aveuglement relatif à sa personne et à sa mission était patent. De même que l’homme aveugle est amené progressivement à la claire vision, les disciples vont devoir cheminer pour découvrir l’identité de Jésus, pour reconnaître qu’il est le Messie.
La guérison de l’aveugle de Bethsaïde, à cet endroit de la narration évangélique, veut livrer un message d’espérance. Pour ceux qui se mettent à suivre Jésus, le chemin vers la foi est plein d’embuches. Mais la persévérance est payante. Jésus est là, présent pour « illuminer » ceux qui cherchent à le voir en vérité.
Conclusion de la section : la confession de Césarée (8 – 27 – 30)
Ce récit achève la première partie de l’Evangile selon Marc avec en point d’orgue la reconnaissance de Jésus comme Messie – Christ.
La mention « en chemin « (V.27b) est la première d’une longue série où, dans la suite de l’évangile, elle indiquera que » le chemin « est celui qui mène à Jérusalem, donc la passion et à la mort de Jésus (cf. 9,33,34 ; 10, 17,32,52,).
Le récit présente une autre particularité, celle de voir Jésus interroger ses disciples (.27b.29), car c’est plus souvent l’inverse.
La première question relative à l’opinion du grand public n’apporte guère de nouveauté (‘cf.6,14-16).
La seconde question est centrale car elle implique que les disciples formulent leur propre réponse à l’interrogation de Jésus (v.29). La réponse apporté par Pierre montre qu’il reconnait en Jésus le Messie qu’attendaient les juifs. Jésus est reconnu comme l’envoyé spécial de Dieu - celui du il a littéralement « consacré » - pour établir son régne sur la terre, de façon décisive. Même si l’évangéliste ne dit pas comment Pierre en arrive là, sa réponse constitue un aboutissement.
Aussitôt après, les disciples reçoivent une consigne de silence. Ils sont invités à garder le fameux « secret messianique » qui prend maintenant une nouvelle dimension. Le Messie que, par la voix de Pierre, les disciples ont reconnu en Jésus ne peut être un héros humain prestigieux. A peine identifié par ses disciples, Jésus renversera complètement la figure classique du Messie, Seules la passion et la Résurrection de Jésus offriront à ceux qui l’auront suivi jusque-là le moyen de saisir la vérité totale du mystère de sa personne et de sa mission.
Avec la profession de Foi de Pierre un seul irréversible est franchi. Jésus de Nazareth ne peut être réduit à l’image commune qu’on se fait de lui (cf, 6,3) ni à la figure de célèbre guérisseur aux talents surprenants (cf. 3,7-11), ni même au visage du « prophète » qu’il offre pourtant (cf. 6,4-6). Il est le Christ « en personne. La foi de Pierre sera celle de la primitive Eglise pour qui Jésus « Christ » ressuscité est celui par qui tous les hommes – Juifs et Païens – ont reçu le salut, la délivrance radicale de leurs maux mortels. Juifs et païens – ont reçu le salut la délivrance radicale de leurs maux mortels. Tous peuvent désormais former une « humanité nouvelle « (Ep 2,13-22)
CONCLUSION
Dans le récit de la multiplication des pains, l’auteur de l’évangile selon Marc a montré clairement que Jésus se révèle comme celui qui comble la faim des foules, faim de nourriture, mais aussi faim de parole et, par anticipation, faim de son corps.
La question que nous pouvons nous poser est celle-ci : avons-nous vraiment le désir de voir et d’entendre Jésus ? Avons-nous vraiment faim de lui, faim de sa parole, faim de son corps livres pour nous ? Trop habitués, peut-être à disposer de l’une comme de l’autre à volonté, ne sommes-nous pas devenus des femmes et des hommes sans réel désire, des gens repus avant même de ressentir toute faim ? Demandons au Seigneur de creuser en nous cet espace de désert où surgira, où, renaîtra, une soif, une faim qui n’auront d’autre objet que le Christ Jésus.