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REFLEXION ET PARTAGE

REFLEXION ET PARTAGE

Des écrits sur mes reflexions du moment: histoire, philosophie, théologie, mes escapades, mais aussi des textes sur la nouvelle langue française


LE NOTRE PÈRE NOUVEAU EST ARRIVÉ… P. Hoffmann

Publié par REFLEXIONS ET PARTAGE sur 3 Décembre 2017, 21:49pm

Catégories : #RELIGION

LE NOTRE PÈRE NOUVEAU EST ARRIVÉ… P. Hoffmann

LE NOTRE PÈRE NOUVEAU EST ARRIVÉ… P. Hoffmann

 

La modification d'une phrase du Notre Père, est l'occasion de revisiter l'ensemble de cette prière appelée dominicale, car elle vient du Seigneur.

 

Le Notre Père, prière d'un juif nommé Jésus :

 

Tel que les évangiles le présentent, ce n'est pas la prière que Jésus prononce quand lui-même prie (cf. Luc 11,1 ou Matthieu 6,9). Les disciples, voyant leur maître prier, lui demandent tout naturellement de leur apprendre à prier comme lui. Remarquons que ce n'est pas avec lui… La prière de Jésus semble demeurer unique. Il soulève

parfois le voile quand les disciples l'entendent prier à haute voix, comme à Gethsémani ou avant de s'y rendre (Jean 17). En effet, Jésus précise bien : quand vous priez dites "Notre Père, donne-nous… pardonne-nous…". Mais comment ne pas penser que la prière intime de Jésus irriguerait celle qu'il enseigne, à commencer par appeler Dieu "Père", "mon Père" pour Jésus, "notre Père" pour les disciples.

Ce n'est pas une révolution pour un juif d'appeler Dieu "Père" : au jour de la Nouvelle Année juive (Rosh Hashana) une longue litanie commence chaque phrase par "Notre Père, notre Roi…". L'image de Dieu Père est aussi présente dans les Écritures, par exemple en Deutéronome 8,5 : Comme un homme éduque son fils, ainsi le Seigneur ton Dieu fait ton éducation. Ou encore Osée 11,3 : C’est moi qui apprenais à marcher à Éphraïm, en le soutenant de mes bras, Mais l'image de Dieu Mère est aussi présente : Une femme peut-elle oublier son nourrisson, ne plus avoir de tendresse pour le fils de ses entrailles ? Même si elle l’oubliait, moi, je ne t’oublierai pas (Isaïe 49,15). Et dans le Siracide (4,10) : Alors tu seras comme un fils du Très-Haut, il t’aimera plus que ta propre mère.

Quand Jésus prie à Gethsémani, Marc 14,36 a conservé le terme araméen en le doublant de sa traduction :

Abba… Père, tout est possible pour toi. D'autres sources araméennes permettent de noter que ce mot "abba" est tout autant celui du balbutiement de l'enfant que le terme respectueux de l'adulte à son père, voire à quelqu'un d'autre qu'il veut honorer. Paul écrivant en grec a voulu aussi conserver le mot dans la langue originale en Galates

4,6 : Et voici la preuve que vous êtes des fils : Dieu a envoyé l’Esprit de son Fils dans nos cœurs, et cet Esprit crie

« Abba ! », c’est-à-dire : Père ! Et en Romains 8,15 : Vous avez reçu un Esprit qui fait de vous des fils ; et c’est en lui que nous crions « Abba ! », c’est-à-dire : Père !

Dans le "Notre Père", il n'y a pas de proclamation spécifiquement chrétienne : Jésus est le Christ, il est Seigneur, l'Unique sauveur, mort et ressuscité. Pourtant, un musulman aura du mal à appeler Dieu Père, plusieurs sourates du Coran l'en dissuadent car il pense à une paternité quasi physique. Dommage car telle n'est pas la foi chrétienne. Par contre, si cette prière n'était pas liée aussi fortement à la personne de Jésus, un juif pourrait très bien prier "Notre Père" avec nous, comme cela existe déjà. Il le pourrait d'autant plus que le "Notre Père" rappelle très explicitement l'histoire des juifs dans leur Exode.

 

Le Notre Père, la prière d'un peuple en marche :

 

Comme les deux tables de la Loi, on distingue clairement deux volets au "Notre Père",

- celui du "Toi" (qui es aux cieux…ton Nom…ta volonté…),

- celui du "nous" (donne nous…pardonne-nous…ne nous…délivre-nous).

Le Renouveau Charismatique a rappelé qu'il est bon de commencer toute prière par la louange, l'intercession vient après. Ainsi en est-il du "Notre Père" depuis le temps de l'évangile. Dommage que le verbe "prier" évoque d'abord une demande, fusse-t-elle poliment exprimée : je vous prie, je vous demande… Essayons d'exprimer toutes nos prières selon le plan du "Notre Père" : Messire Dieu premier servi…

Le second volet semble suivre les grandes étapes de l'Exode.

"Donne-nous aujourd'hui notre pain de ce jour". Les Hébreux ont faim. Ils regrettent "les marmites de viande" et les oignons d'Egypte : pourquoi Dieu les a-t-il menés dans ce désert de mort ? Dieu leur envoie la manne : ils reçoivent chaque jour le pain nécessaire pour ce jour (Exode 16,18-20). Aujourd'hui, quel est le pain que le

Seigneur nous donne ?

"Pardonne-nous nos offenses…". Non seulement les Hébreux regrettent l'Egypte, mais ils refusent aussi d'entrer dans la Terre Promise car ils ont peur des géants qui l'habitent (Nombres 13,33). Dieu pense alors les abandonner dans le désert. Moïse doit intercéder : "Pardonne leurs fautes comme tu as déjà pardonné" (Nombres

14,19). "Ne nous soumets pas à la tentation"… qui va devenir "Ne nous laisse pas entrer en tentation". N'oublions pas qu'il y a un lieu dans le désert qui s'appelle Massa et Meriba, Tentation et Défi (Exode 17,7).

 

"Mais délivre-nous du Mal" (ou du Malin). Le Veau d'Or est toujours debout (Exode 32) ! Dieu seul peut nous arracher à son emprise : c'est le Salut définitif qu'il nous offre. Ces étapes sont celles que Jésus éprouve dans le désert (Matthieu 4,1-11) :

- tu as faim, dis que ces pierres deviennent du pain ! Mais Jésus se nourrit surtout de la Parole de Dieu.

- jette-toi en bas, Dieu te protègera, c'est sûr ! Tu ne mettras pas Dieu à l'épreuve (ou tu ne tenteras pas le Seigneur).

- adore-moi, comme le peuple a adoré le veau d'or..! Arrière Satan.

À l'aurore de sa vie, Jésus descend en Égypte pour revivre l'Exode de son peuple, celui de toute humanité.

Il refait les grandes étapes de la Manne, de Massa et du Veau d'Or. Il invite ses disciples à prendre le même chemin, suivre les mêmes étapes. Le Notre Père devient la prière de l'Église en marche. Le chrétien, lui aussi, se découvre pèlerin sur cette terre à la suite du Christ, de la naissance à Bethléem jusqu'au tombeau ouvert de Jérusalem. La nouvelle traduction d'une phrase nous permettra-t-elle de mieux vivre notre exode terrestre..?

 

Ne nous soumets pas à la tentation …devient… ne nous laisse pas entrer en tentation :

Le mot tentation pose question : derrière lui nous voyons l'action du Diable le diviseur, de l'Adversaire le Satan.

Le Notre Père nous est parvenu en grec, coloré du latin des romains. Dans ces deux langues, comme dans  la langue originale supposée, le mot traduit par "tentation" a une signification plus large que celle habituellement comprise par la pratique chrétienne. Par exemple, Jésus demande à Philippe où acheter du pain pour nourrir toute la foule. Aucune traduction française n'ose écrire : "Jésus disait cela pour le tenter", comme fait le latin (Jean 6,6). On préfère : "pour le mettre à l'épreuve". Selon le contexte, nos bibles traduisent le mot grec par tentation, mot qui évoque la proximité dangereuse du péché, ou par épreuve, terme plutôt valorisant.

Ainsi, on aurait pu traduire : ne nous soumets pas à l'épreuve ou ne nous laisse pas entrer en épreuve.

Mais la vie est, en elle-même, une épreuve : comment la traversons-nous ? Le Christ est notre chemin qui nous conduit et nous soutient dans notre vie quotidienne. Demander à Dieu de nous éviter l'épreuve reviendrait à lui demander de ne pas vivre. Au contraire, le Christ vient avec nous et nous aide dans toutes les épreuves de notre

vie, lui qui a su passer l'épreuve de Gethsémani.

Faut-il changer les traductions ou simplement comprendre ce que les mots suggèrent..?

 

Retour à l'étape de l'Exode appelée Massa (Exode 17,7) :

 

Que se passe-t-il à Massa (Exode 17,1-7), nom hébreu d'une étape dans le désert, traduit par le terme grec "Tentation-Épreuve" ? Mourant de soif, le peuple interpelle Moïse : "Dieu peut-il nous donner de l'eau dans ce désert? Nous verrons bien s'il est au milieu de nous ou s'il n'est pas". Ainsi, ils contraignent Dieu à exécuter leur demande. Si rien ne se passe, c'est que le Seigneur n'est pas Dieu. Ils tentent Dieu, ils le mettent à l'épreuve, ils lui lancent le défi de manifester sa présence et sa puissance. Le récit de l'Exode poursuit : On appela ce lieu Massa et Mériba parce qu'ils mirent le Seigneur à l'épreuve-tentation et le défièrent. Le psaume 94(95),7-8 le rappelle tous les matins à Laudes : "Ne fermez pas votre cœur comme au désert, comme au jour de Tentation (Massa) et de Défi (Mériba) où vos pères m'ont tenté et provoqué".

La nouvelle traduction "Ne nous laisse pas entrer en tentation" peut alors être comprise comme la prière, du juif ou du chrétien, qui demande à Dieu de lui éviter cette étape où il exigerait un acte de Dieu pour persévérer dans la foi. Comme les Hébreux dans le désert il mettrait Dieu à l'épreuve : or le Deutéronome (6,16) le rappelle : "Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu (ou Tu ne mettras pas Dieu à l'épreuve)". Il est alors moins question d'un Dieu qui nous tenterait, que d'un fidèle qui tenterait Dieu.

Les deux premières demandes du Notre Père sont pour recevoir le pain et le pardon, les deux autres pour éviter d'être dans la situation des Hébreux à Massa-Tentation et pour ne pas être face au Veau d'Or du Malin.

Ne nous laisse pas entrer en Tentation. Mettons, mentalement, un "T" pour rappeler Massa, et nous serons peut-être plus proche de la prière qu'un Juif, nommé Jésus, a apprise à ses disciples.

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