Chapitre I Les mobiles
La présence islamique à l’extérieur du Monde islamique est l’un des axes importants de l’action culturelle islamique commune. La majorité des organisations et des institutions concernées y ont consacré une part importante de leurs budgets, programmes et activités destinés aux musulmans en Occident comme la construction des mosquées et des écoles etc. Il n’en demeure pas moins que cette action ainsi que les efforts déployés par beaucoup d’institutions non spécialisées en matière d’action culturelle islamique, manquent d’homogénéité, de suivi et d’évaluation nécessaires. Pire encore, ces institutions se sont détachées des fondements de cette action et n’ont pas tenu compte de la réalité culturelle, sociale et juridique de la vie des enfants des communautés et des minorités musulmanes en Occident. De fait, l’action de ces institutions à l’extérieur du Monde islamique n’est qu’une prolongation de celles entreprises dans les pays islamiques alors que les besoins des communautés musulmanes sont totalement différents de ceux des musulmans vivant dans les pays islamiques.
La stratégie appelle à une planification rationnelle des méthodologies et des programmes de l’action islamique dans le domaine culturel afin de répondre aux spécificités culturelles des communautés musulmanes en affrontement constant avec de nombreux défis. Soumise à l’examen, cette réalité permet de conclure que l’émigration internationale compte aujourd’hui parmi les principaux paramètres de la dynamique des populations durant les 20ème et 21ème siècles. De ce fait, les pays d’accueil se transforment en sociétés humaines pluriculturelles, ce qui a conduit les autorités de ces pays à promulguer des lois et établir des programmes pour l’intégration sociale, éducationnelle et culturelle des immigrés. On remarque cependant que l’application de ces plans se heurte à une grande résistance, surtout de la part des communautés musulmanes locales qui restent farouchement attachées à leur identité culturelle et à leur autenticité islamique.
Mais un tel attachement des Musulmans à leur originalité ne signifie pas leur imperméabilité absolue, car ils s’adaptent facilement aux milieux d’accueil, cohabitent harmonieusement avec les nationaux, participent efficacement à la vie économique locale, à la production et au développement social, scientifique et civilisationnel, tout en restant naturellement distincts par la spécificité religieuse, spirituelle et morale. Nous avons pris en considération toutes les mutations qu’a connues le monde durant les dernières décennies, et particulièrement l’ambition de la globalisation économique à devenir aussi une mondialisation culturelle qui imposerait son modèle à toutes les nations. Comme on sait que la question culturelle constitue aujourd’hui la colonne vertébrale des relations interétatiques, on pourrait craindre que les relations culturelles et la lutte des cultures aient dans un avenir proche des conséquences encore plus graves et plus grandes que les déséquilibres enregistrés dans le domaine des échanges commerciaux.
En dépit de l’importance des composantes humaines et institutionnelles qui constituent la réalité culturelle islamique des musulmans vivant en dehors du Monde islamique, plusieurs défis et obstacles viennent affaiblir l’action culturelle islamique destinée aux communautés et aux minorités musulmanes. L’on sait que le domaine culturel est particulièrement affecté par les transformations internationales actuelles notamment par la montée des conflits culturels et l’hégémonie de la culture internationale dans tous les domaines. Ainsi il nous est permis, eu égard à ces constatations, de dire que les relations internationales et les luttes interétatiques seront axées dans les prochaines décennies sur la “question culturelle”, car la volonté d’imposer le modèle culturel unique et standard pour tous se heurtera aux cultures des autres peuples parmi lesquelles se trouve la culture islamique.
Si “l’alignement culturel” menace sérieusement les peuples musulmans dans leurs propres pays par l’effet de la mondialisation de la communication, que pourrait-on dire du sort qui attendrait les enfants des communautés et minorités musulmanes établies dans les pays non musulmans où les nouvelles générations naissent, grandissent et suivent leur éducation et leur formation dans des établissements qui ne n’ont pas été conçus pour eux initialement ? Il en a résulté que de nombreuses franges parmi la troisième et la quatrième génération qui ne connaissent que très peu leur langue d’origine et ignorent totalement les principes et les dogmes de l’Islam. Ce qui montre que les communautés musulmanes à l’extérieur du Monde islamique souffrent d’un flagrant déficit en matière d’éducation, de protection sociale et d’instruction islamique. En effet, au moment même où ces communautés acceptent de s’intégrer socialement dans les pays d’accueil, elles refusent carrément d’abdiquer leur identité et de se laisser assimiler et fondre dans l’autre. Mais la préservation de cette identité exige dès maintenant une éducation islamique appropriée et saine, des programmes judicieusement élaborés ayant pour objet la conscientisation, la culturation, l’orientation, la protection sociale, suivant la lettre et l’esprit de l’Islam.