UNE GRIPPE MENTALE
Freud l’a rendu célèbre, mais n’est pas le premier à en avoir eu l’intuition. Les philosophes de l’Antiquité avaient déjà pris la mesure de cette part d’obscurité qui nous empêche d’être pleinement conscients de nos actes ou de nos sentiments. Platon dépeint l’humanité comme une espèce à moitié aveugle prisonnière d’une caverne mentale.
Quelques siècles plus tard, au XIX, Nietzsche et Schopenhauer évoquent les forces supérieures bouillonnantes qui nous entrainent malgré nous sur des chemins que nous n’avons pas librement choisis. Nietzsche, nous invite d’ailleurs à consentir à cette animation porteuse de vie et de création. En 1869, Von Hartmann, auteur d’une philosophie de l’inconscient, fait entrer ce mot dans le vocabulaire.
Mais du point de vue philosophique, il est presque toujours défini comme un savoir incomplet, un simple effet de l’ignorance. Il suffirait de savoir raisonner et d’être plus attentif, au monde et à nos états intérieurs pour le voir disparaitre.
Cette vision optimiste est absente des réflexions des spécialités du psychisme. Avec les travaux sur l’hypnose du grand neurologue Jean Martin Charcot, qui fut le maître de l’étudiant à l’hôpital de la Salpêtrière, à paris, l’inconscient prend les contours d’un gouffre sombre où se tissent les folies humaines. Proche de lui, le psychologue Pierre Janet étudie dans ses dialogues avec Madeleine sa patiente préférée, ces puissances psychiques qui échappent au contrôle.
Mais, en cette fin de XIX siècle, tout cela est perçu comme une sorte de grippe mentale, qui concernerait que les malades. Et serait réservée à ces hystériques qui se contorsionnent dans les hôpitaux à la manière à la manière des possédés. A l’époque de l’homme sain n’a pas d’inconscient.