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REFLEXION ET PARTAGE

REFLEXION ET PARTAGE

Des écrits sur mes reflexions du moment: histoire, philosophie, théologie, mes escapades, mais aussi des textes sur la nouvelle langue française


EVANGILE SELON LUC: II.- ÉTUDES PARTICULIÈRES

Publié par REFLEXIONS ET PARTAGE sur 19 Juin 2020, 20:32pm

Catégories : #THEOLOGIE

EVANGILE SELON LUC: II.- ÉTUDES PARTICULIÈRES

II.- études particulières

A/ La généalogie de Jésus (Mt 1 ; Lc 3)

1° Réflexion : c’était la carte d’identité de Jésus, carte obligatoire en Orient où on a un goût très prononcé pour ses racines. Trois traits composent la trame principale de cette carte d’identité :

  • Jésus est Fils de David (Luc et Matthieu), donc bien inséré dans l’humanité ;
  • Jésus est le Messie, le Christ annoncé et promis (Mt 1, 1) ;
  • Jésus est Fils de Dieu (Lc 3, 38) et cette origine divine prime sur tout le reste.

2° Réflexion : c’est une carte d’identité superficielle et symbolique (trois fois quatorze noms !). Matthieu insiste sur l’humain : voir les quatre femmes nommées. Et sur une humanité marquée par le péché (Thamar, l’incestueuse ; Rahab, la prostituée ; David, le roi pécheur qui prend la femme d’un autre, Bethsabée ; et aussi (quand même !) Ruth, qui, elle, a une vie conforme à la Loi). Matthieu insiste aussi sur David, qui est au cœur de la généalogie, pour bien souligner l’humanité de Jésus.

Luc insiste sur les rois de Juda, mais en éliminant de l’ascendance du Christ ceux qui ont eu une mauvaise vie (Salomon, etc.) de manière à bien faire remarquer que Jésus est d’une lignée vraiment messianique, non corrompue par le mal (et il prend, ici, presque le contre-pied de Matthieu). C’était aussi une manière de lutter contre le monde grec – perverti – et faire barrage à cette corruption qui s’étendait partout. C’était encore une manière pour l’évangéliste de présenter Jésus dans la lignée grecque des héros sans faille et parfaits.

B/ Les deux Annonciations, celle de Zacharie et celle de Marie (1, 5-38)

1) Le cadre : il est essentiel pour bien comprendre les messages de Luc. C’est un cadre tout en contraste :

  • D’un côté, cadre grandiose et solennel pour Zacharie : Jérusalem et le Temple, et dans le Temple, le cœur du Temple, le Saint, le sanctuaire où un prêtre officiait et offrait l’encens chaque jour.
    • C’est le lieu de la prière solennelle, au nom du peuple. à neuf heures (trois heures de l’après-midi). Beaucoup de monde : le peuple était là.
  • De l’autre côté, un cadre sans relief, quotidien, ordinaire. Une petite maison de Nazareth, bourg sans prestige.
    • Contraste grandeur # petitesse. 

2) Les salutations (en contraste) : dans la première, aucun relief sur Zacharie. Dans la seconde, toute la lumière est sur Marie : « Je te salue, comblée de grâce » [«voir orthographe grecque»] (1, 28). Notre Dame, la réussite de Dieu et pour Dieu, notre Dame, don de Dieu pour les hommes. 

3) Le contenu des salutations (en contraste) :

  • dans la première, c’est l’annonce d’un prophète à la mode ancienne, puissant comme élie, violent contestataire du monde comme Amos, marcheur non hésitant. C’est le précurseur bien annoncé (1, 17).
  • Dans la seconde, c’est l’annonce d’un fils de David, bien supérieur à un prophète, et Fils du Très-Haut. C’est-à-dire de Dieu lui-même (1, 35) : « L’Esprit Saint te couvrira de son ombre » (id.). Il est engendré par le Saint Esprit, lui-même « vrai fils de Dieu » !

 4) Les réponses (en contraste) :

  • Celle de Zacharie (de ‘Zekar’ : « Dieu s’est souvenu ») : son incroyance en tout ; des doutes multiples en la Parole de Dieu. D’où l’éloignement de Dieu : « Parce que tu n’as pas cru à mes paroles, voici que tu vas être réduit au silence » (1, 20). Le mutisme qui le frappe soudain sera, à la fois, la conséquence, la punition et le signe de son incroyance ;
  •  Celle de Marie : un seul mot, ‘oui’ [« fiat »], « qu’il me soit fait selon ta parole » (1, 38).
  • Et le signe : Jean-Baptiste va naître de la vieille élisabeth.

Parallélisme très étroit entre les deux récits. Ils sont construits sur le même modèle, mais en contraste. L’arrière-plan est de l’Ancien Testament. C’est normal, car ce sont les promesses qui sont accomplies ici et que Dieu avait faites tout au long de l’Histoire, surtout Sophonie (3, 14-17).

  • Tout est petitesse en Marie, à l’opposé de Zacharie où tout est grandeur. L’incarnation, c’est toujours de la petitesse, de l’humilité, de la pauvreté. Tout est foi en elle : c’est notre Dame la grande croyante, notre Dame de la foi.
  • élisabeth va le lui confirmer : « Bienheureuse toi qui as cru sur parole » (1, 45).

C/ Les fiançailles et le mariage

Chez les Hébreux, réalisation en deux temps :

  • L’engagement (‘Chidoukhïn’), avec arrangements financiers (‘Mohar’). Documents écrits : exemple, Jacob et sa femme Léa (Gn 29, 15-35) ;
  • La relation maritale avant la cérémonie du mariage, et la cérémonie du mariage proprement dit (‘Qiddouchin’) : « Joseph, nous dit saint Matthieu, n’avait pas encore habité avec Marie » (1, 18).

L’habitation de la femme à la maison du mari. Dernière étape, vrai cérémonial, avec sept bénédictions spéciales. Et présence de deux témoins, sinon le mariage est invalide, comme pour le mariage catholique.

D/ La Visitation à élisabeth

Le but premier de cette visite de Marie, c’est d’aider sa cousine qui allait avoir un enfant à un âge avancé (cinquante, soixante ans). C’est donc un service que Marie va rendre. Et elle s’empresse de parcourir à pied les cent vingt, cent quarante kilomètres qui la séparent de sa cousine, habitant sans doute Aïn-Karim, à dix kilomètres de Jérusalem, pour permettre à son mari Zacharie d’aller officier au Temple car il est prêtre de Jérusalem.

L’évangile nous signale d’un mot que Marie se met en route « rapidement » (1, 39). Il y a là, dans ce mot, toute la grande disponibilité de la Vierge, c’est notre Dame la ‘toute disponible’.

Le deuxième but, c’est de ‘porter’ Jésus à Jean-Baptiste, son cousin. Jean-Baptiste le reconnaît : « Il tressaillit d’allégresse en mon sein » (1, 44).

=> Voilà pourquoi Marie va chanter son Dieu qui lui procure tant de merveilles.

Analyse du « Magnificat »

Le « Magnificat » est le psaume, le cantique le plus connu de toute la Bible, Ancien et Nouveau Testament, le passage biblique le plus souvent mis en musique et certainement le plus chanté par le peuple chrétien. Aucun autre cantique ne lui arrive à la ‘cheville’. C’est le sommet des cent cinquante psaumes des chansonniers de Dieu.

1) Le thème général du « Magnificat » : une vision panoramique va nous mettre sur orbite et, de suite, nous mettre dans le ton. C’est essentiellement :

  • le chant de quelqu’un qui s’est désisté pour Dieu ;
  • le chant de quelqu’un qui ne se suffit pas à lui-même ;
  • le chant de quelqu’un qui est pauvre et donc s’appuie totalement sur l’autre ;
  • le chant de la pauvreté totale ;
  • le chant de la petitesse ;

Donc, le chant de la gratuité totale.

Pour exprimer cette pauvreté et cette désappropriation totale, l’hébreu a inventé trois gestes qui sont éclairants, pour nous, au siècle du tout visuel :

  • le ‘dal’ : le maigre, l’efflanqué, celui qui a faim, l’amaigri, le pauvre ;
  • l’‘ebyon’ : le suppliant, le mendiant, celui qui tend la main, le pauvre ;
  • l’‘anaw’ : le courbé, l’abaissé, l’incliné, le pliant devant quelqu’un, le pauvre ;

On peut dire que la pauvreté est revalorisée par l’audiovisuel.

2) Le déploiement du « Magnificat » : analyse détaillée. C’est un chant très bien composé et ordonné que nous pouvons regarder de quatre façons :

Premier regard : sur Dieu (verset 47)

Deuxième regard : sur elle (versets 48-49).

Troisième regard : sur les humbles, les petits, les pauvres, ceux qui manquent de tout, qui ont le cœur ouvert sur Dieu (versets 50-53).

Quatrième regard : sur tout le peuple de Dieu (54-55), un tout petit peuple, mais, surtout, qui a les promesses pour toujours.

Premier regard : sur Dieu. D’où un cri de joie (v. 47) s’exprimant par une acclamation qui traduit ce que Marie a dans son cœur. Ce cri est le miroir de son âme profonde : ‘vive Dieu !’ Dieu entrevu sous ses aspects et ses deux titres : sa transcendance, ‘Seigneur’ et sa proximité, ‘Sauveur’.

Ces deux aspects sont sans cesse soulignés dans l’histoire de Dieu et de son peuple et toujours ensemble pour ne pas altérer, déformer, déséquilibrer ce qu’est Dieu et ce qu’il fait pour nous.

Exemples : Gn 1 : grandeur ; Gn 2 : proximité ; Amos : justice ; Osée : amour ; Lévitique : transcendance rigoureuse ; Deutéronome : proximité quasi amoureuse.

L’équilibre de Marie dans son regard intérieur sur Dieu est une merveille. C’est sa vie avec ce Dieu qu’elle chante ici : le Dieu Seigneur et le Dieu Sauveur. 

Deuxième regard : sur elle (versets 48-49). Elle va ‘au cœur’ d’elle-même.

Elle y voit d’abord les merveilles de Dieu dans sa vie, elle, si délaissée, sans relief, de condition obscure, sans valeur, pauvre de cœur, humble d’une humilité parfaite si consciente de sa faiblesse.

Et pourtant, elle constate la conduite de Dieu à son égard, le choix imprévu et incompréhensible de Dieu pour elle : « Il a jeté les yeux sur l’humilité de sa servante » (1, 48). Elle n’est pas propriétaire. Elle le met sur le compte de Dieu. « Ce qu’il y a de faible dans le monde » (1 Co 1, 27).

Elle y entend enfin ce cri de tous les âges et de tous les temps. La reconnaissance par tous : « Désormais » (v. 48).

Troisième regard : sur les humbles, les petits, les pauvres, ceux qui manquent de tout, qui ont le cœur ouvert sur Dieu (vv. 50-53). Un nom pour les nommer : les ‘clients’ de Dieu, ou les pauvres de Dieu. En face de cette pauvreté, en contraste, les trois suffisances qui ferment le cœur des hommes : l’orgueil (50-51), la puissance (52) et la richesse (53).

Mais Dieu renverse ces situations. Il bâtit un monde à l’envers. Toute l’Histoire est marquée par ce geste de Dieu : « Il élève les humbles ». Et cette attitude va atteindre son apogée avec la venue du Christ lui-même.

C’est ce que Charles Maurras, le chef de l’Action Française (mouvement politique français d’extrême droite d’avant guerre) appellera : « le venin révolutionnaire ».

Quatrième regard : sur tout le peuple de Dieu (54-55), un tout petit peuple, mais, surtout, qui a les promesses pour toujours. Donc, élargissement du regard à toute l’église, nouvel Israël. Marie agrandit la portée de son regard sur tout le peuple de Dieu. Sa pauvreté est donc ouverture sur l’universel, alors que la richesse et l’esprit qui va avec sont bien souvent fermeture au monde et aux autres.

Appendice : ce texte est-il de Marie, ou est-il composé par Luc ? Il est très difficile de le savoir. Sans doute appartient-il aux deux. Luc y a mis la main pour bien ordonnancer cette belle marqueterie de textes et de citations vétérotestamentaires (Is 1 & 2 ; cantique d’Anne, 1 S 2, 1-10) ; Ps 34, le ‘Magnificat’ de l’Ancien Testament).

Mais Marie était tellement pénétrée de la Parole de Dieu, elle l’avait tellement méditée que : « ça coulait de source » (P. Lagrange). Marie était pleine de son sujet ; elle était si profondément imprégnée de l’écriture sainte que le ‘Magnificat’ a jailli spontanément du plus profond d’elle-même.

Conclusion

Luc, c’est l’évangile marial par excellence. On y trouve sept récits où Marie est présente : Annonciation, Visitation, Nativité, Présentation au Temple, voyage à Jérusalem (chap. 1 & 2), la rencontre de Jésus avec Marie qui ne peut l’approcher (8, 19-21), le cri d’admiration d’une femme pour Marie (11, 27-28). Dans l’évangile de Jean, on ne la voit que deux fois seulement : à Cana (2, 1-11) et au pied de la Croix (19, 25-27).

Généralement, on présente Jean comme celui qui, plus que tout autre, était en communion profonde avec Marie. On oublie trop Luc. Or, cette communion ‘lucanienne’ est pourtant bien soulignée par les sept récits que nous avons relevés et qui se trouvent dans le troisième évangile.

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